Source : Métro France
Des comprimés et une boite de Mediator. Photo : Fred Tanneau/AFP
Les essais cliniques, retrouvés lors de perquisitions au siège de Servier, montrent que le Mediator a été testé sur des êtres humains comme coupe-faim, selon des informations du Journal du Dimanche auxquelles le laboratoire a réagi en démentant avoir jamais caché ces tests.
Les laboratoires Servier ont vigoureusement démenti. Mais les documents retrouvés lors de perquisitions menées au siège du groupe pharmaceutique, que s’est procurés le Journal du Dimanche, sont sans équivoque. Ils témoignent d’essais cliniques du Mediator effectués entre 1968 et 1973 sur des êtres humains, en fait des personnes obèses, pour un usage de coupe-faim, "contrairement à ce que Servier a toujours affirmé jusqu’à présent", lâche le JDD.
Rappelons d’abord que ce médicament était initialement destiné à réduire le taux de graisse dans le sang, avant d’être converti par le laboratoire (sans en changer la composition) en traitement adjuvant pour les diabétiques en surpoids, puis en coupe-faim généralisé. Qu’environ cinq millions de personnes en France y ont eu recours jusqu’à son retrait du marché à la fin 2009. Et qu’il serait à l’origine de graves lésions des valves cardiaques, et de 500 à 2000 décès.
"Le 780 SE (le nom scientifique du Mediator, ndlr) peut être considéré comme un anorexique des plus satisfaisants et mérite d’être retenu comme adjuvant des plus précieux dans le traitement de l’obésité", indique ainsi un premier rapport. Avant qu’un autre n’enfonce le clou un an et demi plus tard, évoquant "62,5% d’excellents résultats" dans des "cures d’amaigrissement" réalisées "grâce à cet anorexique".
Nuance
"Contrairement à ce qui est écrit, les laboratoires Servier n’ont jamais caché avoir fait des essais cliniques pour tester l’effet anorexigène du Mediator. C’est justement l’analyse des essais dans leur globalité qui n’ont pas permis de conclure à l’activité anorexigène chez l’homme. Ces essais commentés par le JDD ont été mis à disposition des enquêteurs, comme beaucoup d’autres documents démontrant le contraire et sur lesquels ils ont demandé à être interrogés par les juges d’instruction. Par définition, un médicament anorexigène doit inhiber la prise alimentaire pour entrainer une perte de 10% du poids corporel", a répondu Servier par voie de communiqué.
Son avocat, interrogé par le JDD, ne disait d’ailleurs pas autre chose : "Dans les années 1970, si le groupe Servier avait eu entre les mains un coupe-faim d’une telle efficacité, pourquoi ne l’aurait-il pas mis sur le marché ? Ces produits n’étaient frappés d’aucune interdiction à l’époque, bien au contraire." En bref, la nuance entre coupe-faim et "effet anorexigène" serait subtile au point de ne pas exister. Mais le problème est-il vraiment là, plutôt que dans le recours à des cobayes humains ? Ce sera, de toute façon, à la justice de trancher ces questions, dans le cadre du premier procès pénal dans cette affaire. Qui se tiendra du 14 mai au 6 juillet au tribunal correctionnel de Nanterre.
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